Tours, 7 rue de la Psalette
Situé entre la rue Lavoisier et la rue de la Psalette, le cloître de la Psalette est un bâtiment religieux attenant à la cathédrale qui se déployait autour d’une cour sous forme de galeries à colonnes couvertes. S’il doit son nom de la présence d’une école située à proximité où étaient chantés des psaumes, il fut avant tout un lieu de savoir et d’étude. Au Moyen Âge, les chanoines de la cathédrale en firent leur scriptorium, espace dédié à la reproduction des manuscrits, avant qu’il ne devienne à la Renaissance l’une des bibliothèques les plus renommées du royaume où religieux et érudits tant français qu’étrangers venaient étudier.
Grégoire de Tours, évêque de Tours de 573 à 593 ou 594, mentionne dès le VIe siècle l’existence d’un cloître disposant, entre autres, d’un réfectoire, d’un dortoir et d’un lieu d’inhumation des chanoines. Ces anciens aménagements devaient se situer à l’abri des remparts gallo-romains dont le tracé prenait place sur l’actuelle aile occidentale [Noblet et Rapin, 2002, p. 89]. Le cloître, tel qu’il peut être observé aujourd’hui ne date cependant que de la seconde moitié du XVe siècle et fut achevé lors de la première Renaissance. Il se compose de trois ailes accolées au flanc nord de la cathédrale Saint-Gatien. La reconstruction du cloître s’inscrit dans le cadre du chantier de la cathédrale alors en plein remaniement. Au milieu du XVe siècle cependant, le chantier perdit de son dynamisme. Une bulle de 1451 nous informe que la cathédrale « manque de ressources pour être achevée ». En conséquence, l’archevêque Jean de Bernard entreprit de réclamer des promesses d’indulgences en 1459 [Rapin, 2003, p. 306] ce qui permit d’insuffler un nouvel élan à la campagne de travaux dont le cloître bénéficie.
La galerie occidentale et sa bibliothèque
Les travaux concernaient avant tout la galerie occidentale et la bibliothèque du cloître de la Psalette. L’aile occidentale du cloître se compose de deux niveaux superposés : une galerie de huit travées voûtées portant une vaste salle de sept travées également voûtées. Cette salle abritait la riche collection de manuscrits du chapitre de Saint-Gatien [Noblet et Rapin, 2002, p. 91]. La façade montre des contreforts qui rythment les travées de l’aile. Ces contreforts encadrent des arcades en Accolade dont les moulures portent les traces d’huisserie encastrées durant le XIXe siècle. Il est fort probable que cette campagne soit postérieure à 1459, date de l’obtention de nouvelles indulgences. Les comptes de l’Œuvre mentionnent le travail des tailleurs de pierres sur les murs de la bibliothèque en 1471. L’ouvrage est couvert de tuiles lors de l’épiscopat d’Hélie de Bourdeille (1468-1484). De plus, la bibliothèque porte uniquement les armoiries de deux chanoines : Raoul Ségaler, archiprêtre de Saint-Maure depuis 1451, et Guy de Versailles, préchantre de 1456 à 1498. Malgré les restaurations, l’analyse stylistique et les sources écrites attestent d’une campagne homogène réalisée durant la seconde moitié du XVe siècle, entre 1459 et 1484 [Noblet et Rapin, 2002, p. 91-92].
La distribution médiévale de l’aile occidentale n’a pas été conservée. En effet, la destruction des parties sud de l’aile occidentale supprime la communication entre la bibliothèque et la tour septentrionale de la cathédrale. Les parties détruites comprenaient un cabinet et une salle des cartes sous les combles ainsi qu’une construction fondée sur l’ancienne tour gallo-romaine qui correspond à l’ancienne salle capitulaire détruite en 1802 [Noblet et Rapin, 2002, p. 92-94]. La porte aujourd’hui condamnée sur le pignon sud témoigne de la continuité de l’aile occidentale.
L’aile nord
eAprès une interruption, le chantier repris par l’aile nord. Exemple de la transition entre le gothique flamboyant et la Première Renaissance, la nouvelle galerie ne fut achevée qu’entre 1513 et 1526 [Noblet et Rapin, 2002, p. 95]. Actuellement, l’aile septentrionale se compose de deux niveaux superposés – une galerie de neuf travées voûtées portant une salle de deux travées – tandis que l’aile orientale possède uniquement une galerie de six travées. Le parti stylistique choisi par le maître-d’œuvre s’inspire de celui employé un demi-siècle plus tôt à la galerie occidentale. Le tracé des arcades des galeries est souligné par une accolade ornée de choux frisés et sommée par un fleuron. Les contreforts sont divisés en deux registres par un larmier. La partie supérieure est occupée par une niche suggérée par la saillie des angles et la présence d’un couronnement orné d’une coquille. Il associe vocabulaire « à l’antique » et répertoire traditionnel (gâble en accolade, fleuron, choux frisés). Le choix d’un tel parti résulte-t-il de la volonté de donner uniquement un aspect homogène aux galeries ? Les solutions adoptées pour l’ébrasement des arcades, le type de voûtement et la modénature des profils témoignent de l’attachement et du savoir-faire gothique du maître-d’œuvre [Noblet et Rapin, 2002, p. 96]. La culture architecturale du maître-d’œuvre responsable des galeries nord et est de la Psalette s’avère différente de celle de Bastien François, qui réalise le cloître de Saint-Martin entre 1508 et 1519 [Noblet et Rapin, 2002, p. 96]. Dans le cloître de Saint-Martin, la conception se distingue par l’emploi précoce du nouveau style Renaissance. Il ne s’agit plus d’un simple placage de motifs décoratifs sur une structure traditionnelle gothique, le cloître vise à donner l’impression, suggérée par la suite d’arcades, d’un portique « à l’antique ». À l’inverse, dans les galeries du cloître de la Psalette, les seules insertions du nouveau répertoire s’observent d’une part, dans l’encadrement des portes et d’autre part, dans l’escalier, la chapelle et salle situées dans le prolongement de l’aile septentrionale.
Seules deux des quatre portes conservent leur ornementation authentique [Noblet et Rapin, 2002, p. 97]. La première, à l’est de la galerie septentrionale, s’encastre dans l’un des supports. La plate-bande de la porte et le piédroit portent une mouluration continue sur laquelle se broche une console en volute à la clef. Au piédroit gauche est accolé un pilastre sommé d’un chapiteau orné d’oiseaux fantaisistes. Ce dernier soutient directement une large frise qui comprend, en motif central, une coupe d’où émergent des fruits picorés par deux cygnes. La corniche saillante, qui surmonte la frise, sert de support à deux motifs en forme de S affrontés qui évoquent un fronton cintré. La seconde porte, plus imposante par ses dimensions, s’ouvre sur l’escalier. Les pilastres, juchés sur des piédestaux, supportent un entablement complet. Les fûts des pilastres sont décorés de candélabres mixtes. Enfin, l’entablement comporte une architrave avec de fins rinceaux et soulignée par un chapelet de grains. La frise comporte en son centre un blason soutenu par deux putti. Leurs ailes sont finement reliées aux rinceaux qui occupent les extrémités de la frise. La corniche qui somme cette composition associe des denticules gaufrés et une tresse.
À proximité de ces deux ouvertures, l’extrémité orientale de la galerie septentrionale débouche sur un oratoire. Ce lieu de culte est couvert par un plafond à caissons, soutenu par des consoles en volutes. De larges bandeaux délimitent des compartiments occupés par des rosaces.
L’escalier à vis
Le second niveau est desservi par l’escalier en vis placé dans l’angle nord-est du cloître. Cet escalier est similaire à la grande vis de l’aile François Ier à Blois [Noblet et Rapin, 2002, p. 98]. Nous retrouvons les lignes verticales marquées de contreforts qui contrastent avec l’inclinaison de la rampe, le goût pour les surfaces ajourées et la balustrade sommitale. Cependant, le maître-d’œuvre renonce à orner les contreforts de niches à Dais très développés pour favoriser le jeu des lignes. À la voûte en berceau segmentaire tournant sur le noyau, le maître-d’œuvre préfère un plafond à caissons délimité par des compartiments occupés de rosaces similaires à celles utilisées dans l’oratoire. Ce plafond s’associe parfaitement avec le mouvement en spirales du noyau [Noblet et Rapin, 2002, p. 99]. Cet escalier permet, en longeant la galerie nord, d’aboutir à une salle qui jouxte la bibliothèque. Les trumeaux entre les deux croisées comportent des pilastres qui prolongent le mouvement des contreforts rythmant la galerie. La corniche sommant les croisées ressaute sur ces pilastres et crée un chapiteau sur lequel s’appuie un second pilastre plus petit. Une deuxième catégorie de pilastres accoste directement les croisées. Cette organisation de pilastres en deux dimensions différentes – les uns liés aux croisées, les autres élevées sur toute la hauteur – met en évidence une association ambitieuse pour un maître-d’œuvre n’avait qu’une idée très vague des ordres. En revanche, le décor se concentre sur les points forts, c’est-à-dire des losanges associés à des disques qui animent les meneaux et les traverses des baies ainsi que les chapiteaux [Guillaume, 2012, p. 98]. L’ornementation des chapiteaux semblent présenter certaines analogies avec les chapiteaux de l’aile nord de l’Hôtel de Beaune : un couronnement italianisant composé de fins rinceaux et de tête figurée comme des putti. Les chapiteaux comportent une vraie corbeille, élargie vers le haut et nettement distincte du tailloir devenu lui-même plus épais, ce type apparaît peu avant 1515 [Guillaume, 2012, p. 98].
L’adoption des principes du gothique flamboyant pour le rez-de-chaussée des ailes nord-est confère une unité architecturale à l’ensemble du cloître. L’emploi de la nouvelle syntaxe pour le second niveau de la galerie septentrionale résulte certainement d’une mise en place à la fin du chantier, hypothèse appuyée par l’emploi de chapiteaux similaires à ceux de la façade de l’hôtel de Beaune construit en 1518 [Noblet et Rapin, 2002, p. 99 ; Toulier, 1980, p. 106].
En 1793, Saint-Gatien devint un « Temple de la Raison ». La cathédrale subit dès lors d’importants actes de vandalisme. Les ouvrages de la bibliothèque furent dispersés et les titres furent brûlés. En 1802, le cloître fut vendu aux enchères et le lot fut divisé en deux ensembles. Sans l’approbation du préfet, la ville donna l’autorisation au nouveau propriétaire du cloître de commencer les travaux de démolition sur son terrain. Après opposition de l’archevêque, l’affaire remonta à Paris où le ministre de l’Intérieur se prononça pour la suspension des travaux puis leur arrêt total mais l’hémicycle nord avait déjà été abattu et les abords de Saint-Gatien étaient dégagés [Noblet et Rapin, 2002, p. 100-101].
Bibliographie
Noblet Julien, Rapin Thomas, « Le Cloître de la Psalette. Rappel chronologique (XVe, XVIe et XIXe siècles) » dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 48, 2002, p. 89-104.
Rapin Thomas, « La cathédrale de Tours. La façade. Les campagnes du XVe siècle et le programme iconographique du portail central », dans Touraine, Congrès archéologique de France, 1997, 155e session, Paris, Société française d’archéologie, Musée des monuments français, 2003, p. 301-345.
Toulier Bernard, « Les hôtels », dans Toulier Bernard (commissaire), L’architecture civile à Tours des origines à la Renaissance, Mémoires de la Société archéologique de Touraine, in 4°, X, 1980, p. 81-94.
Guillaume Jean, « Les débuts de l’architecture de la Renaissance à Tours », dans Chancel-Bardelot Béatrice de, Charron Pascale, Girault Pierre-Gilles, Guilloüet Jean-Marie (dir.), Tours 1500, capitale des arts, Paris-Tours, Somogy/Musée des Beaux-Arts de Tours, 2012, p. 91-104.